dimanche 28 mars 2010

la femme et le caddie

Supermarket Lady
Sculpture de Duane Hanson, 1970

« Mes motifs préférés sont les américains de la classe inférieure et moyenne. Pour moi la résignation, le vide et la solitude de leur existence rendent bien la véritable réalité de la vie de ces gens ». (Hanson)



Photo de Jean Baptiste Mondino,2009 pour la pochette du disque "J'accuse " de Damien Saez


La photo ci-dessus, fut frappée de censure au début du mois de mars. L'Autorité de Régularisation Professionnelle de la Publicité, alertée par les Chiennes de Garde se justifiait ainsi :

" (...) ce visuel présente un caractère dégradant pour l'image de la femme, dans la mesure où elle apparaît nue, et, qui plus est, dans un chariot de supermarché, donc comme une marchandise. Or, (...) la publicité ne peut, notamment, réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d'objet, et, lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme dégradante. »

Dans ces deux oeuvres deux points communs : le caddy et la femme.

A partir de celles-ci , une question : où se trouve l'indécence ?

Quand les artistes explorent la relation femme/ consommation, le sujet fait souvent mal .

La sculpture de la ménagère américaine, déformée, enlaidie, aliénée par les diktats d'une surconsommation que l'on devine compensatrice, serait-elle moins subversive que la photo du mannequin aux stiletos, nue dans un caddie ?

Le problème serait-il que cette jeune femme (trop ?) belle correspond en tous points aux canons de la beauté actuellement imposés ?

Que le cliché de Mondino ne cède rien à la vulgarité, mais au contraire se place dans le domaine de l'esthétique ?

Que pour ces raisons, l' image affichée dans les stations du métro va en faire baver plus d'un ? Pousser l'honnête passant dans les retranchements inavouables de sa turpitude ?

Que tous les hommes -et les femmes !- n'y verront pas forcément le second degré revendiqué par Damien Saez le musicien qui avait fait de cette photo, la pochette de son album : "J'accuse " ?

"Cachez cette marchandise que je ne saurais voir !" s'exclament en choeur les ligues de vertu au nom d'un féminisme de chapelle : exit la sulfureuse affiche !

Après la pipe de Tati transformée en pitoyable moulinet, la cigarette d'Higelin détournée sur une pochette de disque, la censure continue son hypocrite boulot. Ce qu'il y a de plus gênant dans cette histoire, ce n'est pas la nudité en soi, c'est la présence du caddy, objet transitionnel et objet symbolique qui met à nu et exacerbe une réalité sociale totalement intégrée par ailleurs.

Une réalité qui renvoie le consommateur à "la résignation, le vide et la solitude de leur existence" au même titre que la Supermarket Lady ?

Une interrogation qui a le mérite d'être parfaitement posée par Mondino.

3 commentaires:

Pinupmania a dit…

Chère voisine de blog. Savez-vous que la sculpture de Duane Hanson "Supermarket Lady" figure maintenant dans nombre de manuels scolaires et pas uniquement pour étudier l'histopire de l'art.
Ceux qui ont censuré l'afffiche de Mondino, bien hypocritement n'ont pas aussi supporté qu'une autre affiche dénonce cette censure. Exit elle aussi. Pas facile de se faire traiter de censeurs...
Je l'aime bien cette affiche de Mondino. Peut-être sera-t-elle un jour dans les manuels scolaires ? L'été dernier vous regrettiez l'existence de publicités machistes et je m'inscrivais en faux contre votre propos. Je vous préfère sur cette voie là ;+)
Bien à vous

alluria a dit…

@Pinupmania
Bigre, vous suivez mes articles de très près ! J'ai secrètement espéré que cet agacement estival sur des sujets beaucoup plus grossiers passât à la trappe, mais que nenni ! Votre vigilance me confond. Que puis-je dire pour ma piètre défense ? Qu'il n'y a que les sots qui ne chan... Non, bien sûr que non ! cela vous ferait trop plaisir. Allez j'assume ! Et puis cela fera une discusion passionnée de plus devant un verre de bulles
Bien à vous

alluria a dit…

En vous relisant je découvre une faute de frappe géniale : "L'histopire de l'art" !
Lapsus inespéré... Je m'engouffre dans cette brèche que vous m'offrez bien malgré vous : l'histopire de l'art ! Il fallait l'inventer,c'est fait ! Vous êtes indécemment génial ! Merci mille fois... et puis, évidemment, bien à vous très cher !