dimanche 1 janvier 2012

Made in USA

... par Dorothy Parker avec cette peinture au vitriol de la condition féminine aux USA.
Je viens de relire le livre....
Dorothy commença en 1916 à apporter au magazine Vanity Fair de cruelles petites chroniques en vers. Celles-ci , une fois réunies deviendront les Hymnes à la haine.

C'est caustique, énorme, cru, aussi dérangeant que les peintures de Maupassant.

Extrait de Hymnes à la haine (Hate Verses), ici dans la traduction de Patrick Reumau :

"Je hais les Femmes :
Elles me portent

sur les nerfs.

Il y a les Femmes d'Intérieur...
Ce sont les pires.
Chaque instant est ficelé de bonheur.
Elles respirent avec méthode
Et pour l'éternité se hâtent à grand pas vers la maison
Où il faut surveiller le dîner...




Il y a aussi les Douces
Qui disent avec un tendre sourire « L'argent ne fait pas le bonheur »
Et ne cessent de me faire admirer leur robe
En me confiant : « Je l'ai faite moi-même »...
Et vont épluchant les pages féminines des magazines ;
Toujours à essayer de nouvelles recettes...
Ah, que je les hais, ces sortes de femmes !

Et puis il y a les Petites Fleurs Sensibles.
Les Pelotes de Nerfs...
Elles ne ressemblent pas aux autres et ne se privent pas
De vous le rappeler.
Il y a toujours quelqu'un pour froisser leurs sentiments,
Tout les blesse... très profondément,
Elles ont toujours la larme à l'œil...
Ce qu'elles peuvent m'enquiquiner, celles-là, à ne parler jamais
Que des choses réelles,
Des choses qui importent vraiment.
Oui, elles savent qu'elles aussi pourraient écrire...
Les conventions les étouffent :
Elles n'ont qu'une seule idée, partir...partir loin de tout !
Et moi je prie le Ciel : oui, qu'elles foutent le camp !

Et puis, il y a celles qui ont toujours des ennuis.
Toujours.
En général avec leur Mari...
On est injuste avec elles,
Personne jamais ne les comprend, ces femmes.
Elles arborent un petit sourire désenchanté
Et quand on leur parle elles sursautent.
Elles commencent par vous dire que leur lot est de souffrir
En silence :
Personne ne saura jamais...
Et en avant le déballage...

Et puis, il y a les Madame-Je- Sais-Tout.
Elles sont la peste !
Elles savent tout ce qui de par le monde arrive
Et sont au régal de vous en informer.
Il est de leur devoir de corriger les impressions fausses,
Elles connaissent les dates de naissance, les second prénoms
De tout un chacun
Et leur être sue la banalité factuelle.
Pour moi, elles sont l'Ennui !

Il y a aussi celles qui s'avouent Incapables de deviner
Pourquoi tant d'hommes sont fous d'elles !
Elles vous disent qu'elles ont essayé mais en vain.
Elles vous parlent du mari d'une telle :
Ce qu'il a dit
Et sur quel ton...
Ensuite elles soupirent et demandent :
« Chérie, en quoi cela d'ailleurs me concerne-t-il ? »
Ne les détestez-vous pas, celles-là, vous aussi ?

Il y a enfin celles qui ont toujours le sourire aux lèvres.
Elles ne sont pas mariées,
Passent leur temps à distribuer de menus cadeaux,
A préparer de petites surprises,
Elles me conseillent de prendre, comme elles, les choses
Du bon côté.
Ah, que deviendraient- elles si elles venaient à perdre leur sens
De l'humour ?...
Et moi qui brûle de les étrangler !...
N'importe quel jury m'acquitterait.

Je hais les Femmes :
Elles me portent sur les nerfs."

Une écriture assassine :
Dorothy Parker dénonçait déjà au début du XXème siècle ici l’impossibilité d’un rapport vrai entre les sexes, chacun se croyant tenu par la morale les contraintes sociales et la respectabilité, de se conformer à une sorte de caricature de lui-même.


Thème récurrent dans le cinéma américain et sujet radiographié aujourd'hui dans le phénomène " Desperate Housewives", puis dans un autre genre avec "Mad men".

On est bien loin d'Edith Wharton .
J'ai envie de mettre cet "Hymne à la Haine" en regard avec deux personnages de films américains sortis en 2003 : "The Hours" de Stephen Daldry et "Loin du paradis" de Todd Haynes. Deux rôles tenus par Julianne Moore :

Laura Brown dans "The Hours" :







et Cathy Whitaker dans "Loin du Paradis".








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