samedi 26 octobre 2013

A Triple Tour

 
A Paris aussi, l'été joue  les prolongations...

 



Voici que des œuvres de la collection Pinault s'évadent du  Palazzo Grassi et de la Punta della Dogana où j'en avais vu certaines, pour s'enfermer à La Conciergerie de Paris jusqu'au 6 janvier prochain.


Ce  premier acte d'un projet sur le long terme  explore la question de l'enfermement et les œuvres dialoguent avec le lieu historique de la détention que fut La Conciergerie.
Une cinquantaine de propositions : projections, peintures, installations, vidéos qui sont autant de regards d'artistes sur l'enfermement.
Condition due à des facteurs extérieurs : pollutions, crises politiques, totalitarismes, violences... Mais la piste de l'enfermement par rapport à soi-même est aussi présente : schizophrénie, folie, dégénérescence...


Immersion dans l'exposition :


 
Diana Thater :Chernobyl 
Dans la première salle, je suis happée par un réseau d'images qui essaient de reconstituer virtuellement un site sans avoir cependant la volonté d'y parvenir : ici Tchernobyl où  cohabitent une végétation "reconstruite "et des bâtiments abandonnés à la hâte. La caméra vacille, tremble... entre fascination et malaise...
 

Raphaëlle Ricol : Malgré la différence
 
L'enfermement dans toute son actualité, sa cruauté. L'aliénation. C'est direct, cru, et ça grince vraiment  quand on commence à y percevoir de l'humour. Redoutable, et pourtant...
 
 

 
 

Boris Mikhaïlov : Sots Arts
 
Un mur de photos prises dans les années soixante en Union Soviétique. Albums de familles ou clichés réalisés par l'artiste lui-même et retouchés directement en y ajoutant des couleurs vives... Quand la propagande donne de l'éclat aux instants ritualisés de la vie... Une ironie désabusée !


 
Bill Viola : Hall of Whispers
 
Un tunnel jalonné de vidéos de visages bâillonnés, entravés et dont les bouches s'efforcent d'articuler des sons. Remontent dans nos consciences des idées de tortures, d'empêchements, de verrouillages. Impressionnant !


 
Kristian Burford : last night you brought a man up to your room after having a late drink at the hotel bar. Knowing that you are HIV positive you had sex which caused him to bleed. After a day of meetings you now return to your room.
 
Un environnement intime terriblement banal d'où la tragédie n'est cependant pas absente : une chambre d'hôtel où un homme a perdu l'espace d'un instant la maîtrise de lui-même devant son désir sexuel. Donner la mort dans un acte d'amour. Une des questions que pose l'exposition : Sommes-nous maîtres de notre destin ?
 
 
 
 
 
Sun Yuan et Peng Yu : Old Persons Home
 
Une interrogation terrifiante sur la mort, la vieillesse avec ces vieillards assoupis dans leurs fauteuils roulants qui se déplacent en silence comme dans une chorégraphie macabre, puis s'arrêtent de façon aléatoire. La condition humaine dans son effrayante dégénérescence...
 

 
Maria Marshall : Don't Let the T-Rex Get the Children
 
Une caméra qui part sur le gros plan d'un regard d'enfant, d'un sourire, puis elle s'éloigne et nous découvrons une pièce entièrement capitonnée, et cet enfant entravé dans une camisole de force. Nous sommes confrontés à son regard qui ne nous lâche pas dans un pesant silence...


Et puis, les autres propositions... dont celle-ci qui me touche avec ses cartographies urbaines fantastiques et fiévreuses.

 
Julie Mehretu : Chimera

Autant d'œuvres poignantes, fascinantes, déchirantes et douloureuses... comme peuvent l'être tous les enfermements. Une expo très forte par laquelle il faut passer.

Une fois de plus La fondation Pinault montre le meilleur de l'Art Contemporain, c'est décisif, brutal et violent.
Ces regards d'artistes sont sans concessions et leurs propositions touchent le domaine de  nos peurs de la vieillesse, de la maladie, de notre impossibilité à communiquer, nos fantasmes, nos angoisses face à la mort, les catastrophes écologiques, nos verrouillages, la folie et nos résistances aussi.

 Ils nous questionnent sur nos destins : subis ou assumés ?
  Nous n'y échappons pas.
A voir !

5 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai lu ceci avant de lire ton blog :
http://www.quecherchezvous.fr/article-pinault-un-epieu-dans-le-flanc-de-la-culture-120741508.html.
Difficulté : seul compte le résultat (l'expo) ou toute la problématique (la source + l'expo) doit-elle être considérée ? Le regardeur est-il seulement spectateur de l'exposition ?
Cordialement
Georges Roullois

alluria a dit…

@ Georges : Oui, on se doute bien qu'une expo Pinault inaugurée la semaine de la Fiac doit répondre à des intérêts mercantiles gigantesques qui nous dépassent. Il valait mieux ne pas se poser la question en entrant à la Conciergerie et se laisser aller à ses émotions positives ou négatives, ce que j'ai fait en toute confiance car les collections de la fondation Pinault ne m'ont globalement jamais déçue, même si on pressent le brassage des surcotes des artistes derrière les événements. Lorsque je suis allée voir l'expo Basquiat au musée d'Art Moderne, il y a 3 ans je crois, j'ai compris que la cote phénoménale de ce type dépendait d'une opportunité au départ, puis ensuite d'une carrière extrêmement bien gérée,indépendamment de la recherche picturale de l'artiste quand il était encore en vie. Personnellement, je suis insensible à Basquiat , je veux dire par là qu'il ne m'enrichit pas (au sens esthétique du terme, évidemment !). Aller voir ses travaux était indispensable pour essayer de comprendre et je n'ai pas été convaincue, à la différence de beaucoup d'amateurs et c'est vrai que j'ai été beaucoup plus sensible au fric qui se cachait derrière sa notoriété. En revanche, ce que j'ai vu à la Conciergerie me parle. Certaines œuvres ont trouvé leur place dans mon imaginaire et s'agrègent dans ma conscience. Elles participent à la construction de quelque chose en moi qui ressurgira plus tard...ou pas. Alors, oui, je n'ai envisagé que le résultat qui m'a flattée et j'ai évacué le montage financier , les copinages et le manque de déontologie qui se profilaient derrière. Cet oubli-là est un luxe que je me suis octroyé sans remords. Maintenant, je suis la première à déplorer que cette prestigieuse collection soit privée et que les manifestations publiques soient toujours à la traîne de ce que je considère comme le fer de lance de l'art contemporain. L'art est un très bon investissement, surtout quand on a les moyens financiers et stratégiques de surexposer ses collections, comme le fait Pinault, tout en sollicitant les fonds et l'espace publics comme cela est ici le cas. Il aurait pu devenir patron d'un grand club de foot, avec les mêmes principes et personnellement, je préfère que Pinault ait pris cette direction. C'est mon égoïsme qui parle, sans doute. Bien cordialement

Anonyme a dit…

Voilà une réponse que je pense tout à fait adéquate. Nous savons que nous sommes au cirque, à nous de garder les yeux ouverts ou tenter de le faire (comme en économie !!!). Je trouve aussi solide de mettre les émotions positives ou négatives au poste de pilote, comme boussole !
Même scénario en ce qui me concerne pour Basquiat, Warhol ...
Tes photos de l'exposition Pinault sont parlantes et permettent de comprendre ton intérêt pour cet expo. Je vais suivre ton blog et j'espère qu'il sera évoqué, au détour d'une visite, la ligne de séparation entre postmoderne et art contemporain non pour faire du théorique solide bla-bla mais pour éclairer ce qui a été évoqué ici :
art contemporain : on fait quelque chose, on espère que ça marche (et ça peut marcher)
post-moderne : on essaie de s'accrocher au fil de l'époque et de pouvoir être compris
Ceci est à mon avis un point qui peut aider d'une manière générale...
En tout cas merci, bonne inspiration et à plus
Georges Roullois

marie poupée a dit…

Merci de me faire découvrir cette exposition très impressionnante . Des sujets forts qui nous font se poser des questions sur la vie .
J'imagine l'émotion dans laquellle on doit se trouver en sortant!!
Belle journée
Amicalement
Marie

alluria a dit…

Merci d'être passée par mon blog, Marie